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Lexique et outils de projet (s).Un glissement.

Conversation entre Armand Behar (artiste - responsable programme de recherche - Ensci-Les Ateliers) et Antonella Tufano (architecte - chercheur Laboratoire Gerphau - Ecole Nationale Spérieure d'Architecture de Paris La Villette)

Installation photographies de Gerhard Richter. Atlas

A.T : Comme tu le sais, au départ ce séminaire du Labex CAP s’intitulait ‘’lexique des projets’’, l’idée étant celle d’enquêter quelque peu sur le sens du mot projet. Nous avions fait une première introduction du mot, étymologique, et cela avait été tout de suite associé au dessin, et donc à une forme de projetation, forme propre aux artistes et aux architectes.

Nous avons également vu que ce mot pouvait être associé au monde économique, une association qui oublie la portée matérielle du projet, le fait qu’on attend une mise en forme. Enfin, nous avons exploré les notions de projet et progettazione, de manière croisée ; au fur et à mesure qu’on entendait des intervenants, il devenait clair que cette relation changeait considérablement en fonction des outils permettant l’expression de cette idée.

L’outil parmi les outils, le numérique s’est très rapidement imposé lors des séances, même dès la première intervention, par Hugo Daniel, dont l’objet était l’expérience EAT aux Etats- Unis. Nous l’avons retrouvé ensuite dans l’intervention de Jim Njoo qui s’intéressait au cas de Cedric Price, avec Anne Couzon dans l’exposé des œuvres produites par son collectif d’artistes, le 1.0.3, et encore avec Aurélie de Boissieu et l’exposé de ses travaux autour du paramétrique dans le projet d’architecture. Nous avons donc assisté au fil de ces séances à un élargissement de notre question initiale, qui prenait en compte maintenant la part de la machine et la part des autres.

Cela me fait penser d’ailleurs à un numéro très intéressant des Cahiers du CCI de l’année 1988 où il y avait un article de Jean-Louis Boissier dans lequel il était déjà question de l’outil numérique, le numérique finalement comme seul moyen capable de retracer vraiment un même processus vital. Boissier y faisait la métaphore de l’arbre, de l’arborescence. Tu es un artiste notamment engagé dans l’exploration du numérique, comment entends tu ce terme, projet ?

A.B : Le mot projet fait polémique dans le champ de l’art. Le regard qui a été posé dessus, du moins en France, montre une sorte de procès intenté au projet, qui serait trop associé à l’industrie, à une stratégie, ou plus globalement au capitalisme. Même s’il ne s’agit pas d’une vision globale, cette polémique complique quelque peu les choses car cela nous prive du recours aux racines mêmes de ce mot et à sa dimension quasi anthropologique. Ce que l’on va faire et comment on va le faire, et puis une fois que c’est produit comment on va le regarder, des choses -somme toute- simples. En peinture on pense souvent protocole, probablement pour échapper à cette polémique. Il n’y a pas le mot projet mais au fond nous sommes un peu sur les mêmes choses, c’est-à- dire que les peintres vont définir à un moment donné une stratégie pour aborder l’acte de peindre...et puis voilà, il y a peut-être onze points ou douze, et ce protocole-là aussi nourrit beaucoup de controverses et de discussions. C’est quelque chose qui existe également chez les performeurs, parce qu’ils scénarisent leurs performances, ils ont une approche que l’on pourrait qualifier de théâtrale. A mon avis toute cette polémique autour du mot projet est un peu stérile. Il est vrai que le mot est utilisé dans toutes circonstances ; pour un prêt en banque on va nous dire « qu’est-ce que vous avez comme projet ? » etc. D’ailleurs, entrer dans le mot par ce biais, celui de la polémique, montre la complexité du sujet.

Pour ce qui est, plus particulièrement, du rapport à l’industrie disons que la pratique artistique à partir du moment où elle convoque des outils industriels conséquents, ou nécessite un travail d’équipe et le développement des documents qui permettent de travailler avec ces personnes, est dans une logique de projet complexe.

La notion de projet revient et cela brouille même le mot création et le fait basculer vers la notion de conception. Nous sommes attachés au mot de création pour sa dimension anthropologique, dans le sens de l’humain qui fait des petits traits au sol..., l’association avec le geste, le dessin.

Si on utilise des outils qui diffèrent le rapport à la production au sens pratique du terme, qui viennent se mettre entre la main et la matière, il peut y avoir alors ce sentiment chez certains que l’on perd cette dimension anthropologique qui existe dans l’art, mais ça ne doit pas être un deuil très difficile.

Peu importe finalement que l’outil que l’on utilise soit sophistiqué ou non ; Richard Serra dans l’utilisation du métal explore une dimension que rarement l’industrie utilise d’ailleurs, mais qui nécessite des machines extrêmement performantes, et on ne peut pas se lancer naïvement, il est obligé de projeter ce qu’il va faire, d’organiser.

A titre personnel, je n’utilise pas le mot projet. Mais si je discute avec mes collègues, dans nos pratiques d’atelier, c’est un mot que l’on utilise fréquemment, qui est présent. Et lorsqu’on se retrouve avec "l’appareillage" qu’il y a autour de notre travail, lorsque l’on fait de la production artistique où il y a les commissaires, les critiques, le mot projet disparaît à nouveau.

Je dis protocole comme d’autres disent charte. Si l’on prend l’exemple des Atlas de Richter, finalement on voit bien que c’est quelque chose qui est aussi utilisé par les graphistes, par les architectes, le fait de créer à un moment-donné un univers visuel en rassemblant des images dont on va s’inspirer pour produire une œuvre, cet outil est présent pdans toutes les disciplines de la création.

A.T : Je relève ici une ambiguïté qui me permet peut-être de parler de progettazione en ce sens que quelque part entre la création que tu revendiques, comme tout plasticien, comme telle (par exemple tu verras très rarement des architectes qui parlent de création en parlant de leur travail), donc entre ce terme, cette démarche qui doit être quelque part idéaliste, idéalisante et unique, et puis la notion d’un protocole qui est quand même une série de normes, de lois que l’on se pose, il y a quelque chose de contradictoire, non ?

A.B : Non je ne crois pas, parce que dans la pratique au quotidien ce n’est pas contradictoire, il y a des prises de décision qui peuvent avoir une portée spirituelle au moment où elles sont prises, qui dépassent la matière que l’on est en train de manipuler.

A.T : Par rapport à une idée de l’artiste créateur à laquelle on nous a habitué, le fait de dire que l’on a un protocole revient à dire quelque part que cette activité n’est pas complètement libre, qu’elle s’inscrit dans un cadre de pensée qui fixe des objectifs et des limites. La figure de l’artiste serait alors à reconsidérer aujourd’hui, peut-être depuis toujours, à la lumière de cela ; c’est-à-dire que ce n’est jamais complètement spontané, il y a une construction qui précède la mise en œuvre.

A.B : Oui complètement, et même de manière extrêmement rigoureuse. Une autre expression, le processus créatif. C'est un objet en tant que tel chez certains artistes, dans le sens ou il considére le cheminement créatif comme un système qui rend acte de l’organisation de notre pensée et de son rapport à la pratique. Le processus devient alors ici un objet qui fait partie du quotidien de l’artiste, il l’accompagne. Et il y a un enjeu dans ce rapport au quotidien dans le sens où nous sommes conditionnés par ce système d’où sort un certain nombre de règles, de rituels quasiment, qui vont amener à un certain moment à la production de formes.

La figure du jazzman est intéressante pour cela, le jazzman qui va faire ses gammes, un travail long et extrêmement rigoureux, pour pouvoir par la suite faire un travail d’improvisation intense qui ne serait possible sans le travail fait en amont.

Il faut donc créer les conditions qui permettent l’émergence, et ces conditions sont contraignantes et pesantes parce qu’elles se confrontent justement à notre quotidien (à l’humeur du jour, à la capacité de se sentir à un certain moment apte à faire émerger des formes, etc.). Nous sommes donc là dans un rapport au projet qui est assez immédiat, dans l’heure qui suit, ce n’est pas le projet dans le sens du rapport au futur, nous sommes dans un temps très court mais cela reste du projet.

Les artistes comme Opalka sont extraordinaires pour cela, il y a chez lui une intimité énorme dans son processus créatif complètement lié à sa vie, au quotidien, nous sommes donc dans quelque chose de l’ordre du système qui est un autre mot pour dire projet. Le mot système est également lié à l’art conceptuel qui a fait du processus un système pour générer de la forme, et là nous sommes très proche de la pensée contemporaine de manière très large mais aussi de tout ce qui est lié au numérique.

La frontière que tu suggères entre projet et progettazione est très fine, et réside, je pense, dans l’interaction avec la matière. La matière qui d’ailleurs nous différencie à mon avis, nous plasticiens, d’un écrivain par exemple qui est plus dans un monde symbolique. Je pense qu’il y a toujours la question du rapport à l’objet qui serait extérieur à soi, je pense que c’est une idée fondamentale dans les arts plastiques.

A.T : Le fait que tu parles de système, de processus, pose la question de la durée. Avec les moyens que l’on a aujourd’hui, avons nous ceux de tracer, mémoriser, répertorier, toute cette phase longue ? Est-ce que cela fait partie de l’aboutissement, ou de la construction de l’œuvre ?

A.B : A mon sens cela dépend vraiment du travail que l’on fait. Pour ma part, il s’agit d’un travail d’installation, c’est-à-dire que c’est un travail qui nécessite pour être vu d’avoir une exposition, je suis donc dépendant de structures qui vont exposer mon travail et cela me rend tributaire dans ma vie quotidienne, le fait de savoir que mon travail est à ce point-là dépendant me réfréne d’une certaine façon.

Ressentant cette dépendance-là il me fallait faire en sorte que je puisse mettre en place un processus de création qui me permette au quotidien de pouvoir produire même sans exposition. Je me suis lancé alors dans un travail avec, si je puis dire, une visée infinie, dans le sens d’un travail jusqu’au bout de ma vie. De créer un récit, une histoire qui a des figures, des lieux, une sorte de monde imaginaire, qui me permette au quotidien d’écrire, de créer des images par rapport à cela, et puis quand vient le temps de l’exposition, je puise dans ce chaudron et je vais produire une pièce qui va être influencé par tout ce travail là, une pièce qui va correspondre à un moment de l’histoire, un moment qui sera différent s’il y a une autre exposition six mois plus tard car le récit aura avancé. C’est pour cette raison qu’il y a toujours un peu de texte qui accompagne mon travail. C’est un système que j’ai mis en place et qui me permet au définitif d’être comblé créativement.

Il n’y a immédiateté dans mon travail qu’au moment où il va y avoir une exposition à laquelle je vais répondre très vite parce que j’ai mis en place ce travail au quotidien. Avant que je ne mette en place ce système, lorsque l’on me proposait une exposition, il y avait toujours un moment de vide ou d’inquiétude que j’ai voulu éjecter de mon travail.

A.T : Et qu’en est-il de ce que tu produis entre deux expositions et qui finalement ne sera jamais matérialisé ? Qu’en fais-tu ?

A.B : Je participe justement en ce moment à une exposition à La Panacée qui s’appelle ‘’Ce qui manque’’ dont le commissaire est Thierry Fournier. Mon fonctionnement fait effectivement de mon travail une sorte de puzzle. Je pense que les œuvres sont en réseau entre elles, on voit bien qu’il y a des œuvres de transition, des œuvres de synthèse, des œuvres qui dialoguent entre elles, et le fait de vouloir les détacher est un geste de l’ordre du résidu de bourgeoisie insupportable, la volonté à un moment donné de redonner de l’autonomie à une œuvre même si l’artiste a construit toute son œuvre contre ça, je pense que cela est vain, ça ne marchera jamais.

A.T : Je reviens à l’outil car il y a dans ton propos toujours une relation à l’outil. On assiste aujourd’hui à une réticence vis-à-vis du numérique mais qui a dû être la même à l’apparition de l’appareil photographique, et je pense que c’est un peu le propre de l’humain à un moment de rejeter les nouveaux outils un certain temps, nous allons donc dire que nous allons dépasser cela. Par contre par rapport à tout ton processus, est-ce qu’à un moment donné l’outil que tu choisis peut devenir un obstacle ? Et dans ce cas comment dépasses–tu l’outil ? En le détournant ou finalement en l’abandonnant ?

A.B : Les outils ne sont bien évidemment pas anodins, ils ont leur propre histoire, ils sont eux- mêmes des concepts en puissance, d’où la difficulté que l’on a souvent lorsque l’on parle et que l’on doit dissocier l’outil du concept. C'est une erreur. La fabrication des outils est en soi un projet. Un projet qui instruit un certain rapport au monde, d’une certaine manière d’entrer en communication avec le monde ; pour ceux qui ont conçu le marteau, c’est une façon de rentrer en communication avec le monde, ce petit morceau de bois, ce petit métal, la façon dont le métal tient sur le bois, tout cela a une portée symbolique extrêmement forte, et donc bien évidemment lorsque l’on utilise le marteau pour produire et exprimer quelque chose, le concept marteau participe du concept que l’on produit, concept ou expression. Cette question du rapport à l’outil,

ou à la technique d’une manière générale, est à revoir sous cet angle là.

Dans la question du rapport au projet, la place de l’outil est effectivement particulière. Certains artistes font de l’outil un préalable à la création qui devient aussi condition sine qua non. C’est ce que nous constatons aujourd’hui par exemple avec le numérique, certains ne produisent qu’avec le numérique alors-même que d’autres moyens leur permettraient peut- être, selon les situations, d’exprimer plus de choses. Alors peut-être qu’il y a une culture du projet qui s’est développé effectivement et qui permet

de choisir tel ou tel outil en fonction de ce que l’on veut exprimer ; et c’est une distance qui est assez agréable. Dire qu’un tel matériau va être plus performant pour exprimer telle chose, que tel outil va être plus adéquat.

Il est très étonnant qu’aujourd’hui, on butte encore sur l’apparition de nouveaux outils ; à la fin du 19ème, il y avait une très grande violence contre la photographie dans les textes de Baudelaire, des textes où il expliquait que l’appareil photographique n’a pas d’histoire, l’art a une histoire, nous ne pouvons donc pas, selon lui, mettre quelque chose qui n’a pas d’histoire avec quelque chose qui écrit l’histoire. Je trouve cela tellement étrange ! il y aurait des choses qui appartiennent à l’humanité et d’autres non ! dans ce genre de discours, je trouve inquiétant qu’on refuse de célébrer tout ce que l’homme peut produire.

Lorsque ces nouveaux outils arrivent, ils rouvrent les débats autour des archaïsmes. Leur intérêt réside dans leur capacité à rediscuter de la valeur de l’outil.

A.T : Le numérique, ou l’outil numérique, pose aussi la question du partage de l’œuvre. De toute évidence cela a toujours existé, nous avons toujours utilisé un outil, que ce soit le pinceau, le marteau, le numérique, c’est pour cette raison que je trouve particulièrement stérile tout le débat sur les nouveaux outils. Par contre cela est intéressant car cela pose la question du partage de l’œuvre, l’œuvre qui est faite avec des outils, avec des influences. Quelque part cela pose la question, non pas du statut de l’artiste, mais de sa place, de son rôle, car les œuvres sont toujours partagées.

A.B : Nous sommes plusieurs à penser à un moment donné quelque chose et c’est parce que nous sommes plusieurs à y penser que ça permet à un moment à un ou deux artistes d’émerger et de faire la synthèse. Le partage est déjà en réseau, déjà expérimenté dans des endroits, des ateliers. Cette question est intrinsèque, elle fait partie de l’œuvre dès le départ, pour différentes raisons, à la fois des raisons techniques, de faisabilités, culturelles dans le sens le plus profond du terme. Cela étant dit, il y a une autre question qui est le fait de faire à plusieurs. Walter Benjamin le soulignait : que l’on ait eu beau se détacher de la question du geste, du style, de l’individu, de la signature posée, l’aura de l’œuvre l’a emporté, et jamais l’œuvre n’a été autant médiatisée, autant signée, que depuis qu’elle n’est plus signée (et cela atteint son paroxysme en architecture).

Nous pourrions dire que les médias assurent symboliquement la signature, d’une manière tellement importante. De ce point de vue, l’œuvre est complètement faite par son contexte, elle est visible parce qu’à un moment donné le contexte le permet, parce que les visiteurs ont les éléments qui leur permettent de la voir.

À propos de la question de la fin de l’auteur, je trouve cela drôle car ceux qui alimentent ce débat, en l'occurence les philosophes, ne se disent pas que c’est la fin de la philosophie. Quand Bernard Stiegler aborde cette question de la fin de l’auteur, il n’aborde pas celle de la fin de l’auteur en philosophie, il ne le pense que chez les artistes, il pourrait la penser chez les philosophes.

Par ailleurs je pense qu’il y a un autre aspect pour aborder la question du projet et son rapport à la technique, c’est la question de représenter ce que l’on va réaliser avant qu’il ne soit réalisé. Il peut se développer à travers juste le jeu de dialogue entre les différents outils de représentation, des méthodes créatives qui permettent de définir ce que l’on va réaliser. Alors on démarre en faisant éventuellement un volume en papier, on le photographie, on le met dans photoshop, on lui donne un autre aspect, on essaye de créer des premières bases de perspective pour nous permettre de voir comment le volume fonctionne, on va sur des images de synthèse, on revient sur le volume, etc. ; on fait tourné finalement tous les outils jusqu’au moment où l’on va se dire ‘’ça c’est intéressant’’, et c’est là que l’on va rentrer en contact avec quelqu’un qui va nous le fabriquer ‘’en vrai’’.

C’est quelque chose qui a un impact important ces dernières années sur la manière dont on peut travailler, cette façon de faire dialoguer les différents outils où le numérique domine beaucoup (Photoshop, Rhinocéros...). Lorsque l’on parle de numérique on pense tout de suite à ceux qui vont faire de l’art numérique dans le sens d’une installation interactive par exemple, alors que l’impact du numérique sur la production artistique est tellement plus ample que cette question-là, que cela soit avec des artistes qui ont développé des méthodes de travail qui intègrent le numérique et qui à l’arrivée vont peut-être produire un sculpture mais qui en tout cas en amont ont intégré le numérique comme outil qui permet de définir le travail.

Alors qu’il y a un autre aspect qui est la fabrication de l’œuvre en elle-même, qui passe par le numérique. Aujourd’hui faire la différence entre les outils utilisés par, et je prends sciemment des vedettes, Jeff Koons et Ron Arad, artiste donc et designer, quand tous les deux utilisent du métal brossé ils ne l’ont pas fait tous seuls avec leurs petites mains, cela n’aurait pas de sens, cela coute en plus des fortunes, l’outil numérique ici est en amont.

A un moment donné j’ai rassemblé, parce que cela m’intéressait et parce que j’en avais besoin pour un cours, beaucoup d’images d’ateliers d’artistes d’aujourd’hui, il y a beaucoup d’ateliers qui ressemblent à des agences d’architecture ou à des agences de design, quand ce n’est en plus pas mis en scène, il y a tous les ordinateurs qui sont derrière, on voit des images de synthèse, des essais sur de l’impression 3D... déjà dans la Factory avec Wahrol on était dans cette logique.

La fabrication de l’œuvre aujourd’hui est totalement impactée par les nouveaux procédés de fabrication qui sont issus du numérique ; d’autant plus que ces nouveaux procédés de fabrication rejoignent l’artisanat, c’est cela qui est extraordinaire. Il n’y a plus besoin d’aller chez l’artisan et cela est intéressant, le fait que l’industrie-même ait rejoint une forme d’artisanat, cela change beaucoup de choses.

Un artiste, qui est aussi un ami, Stéphane Sautour, a pris une feuille de papier Canson sur laquelle il a inscrit ‘’less is more’’, que j’ai pris en la découvrant pour de la feuille d’or, alors que non. Il est arrivé à ce résultat très beau en travaillant avec un industriel, ils ont mis ensemble en place une technique au laser, millimétrée, pour obtenir ce résultat magnifique. Et là nous ne parlons pas du numérique ? on ne parle pas non plus de numérique chez Anish Kapour, alors que je ne vois pas comment on peut produire une œuvre comme cela sans l’aide du numérique. Ces deux cas sont emblématiques.

Dans une conférence à Montreuil, l’artiste de l’arte povera Penone, était venu nous présenter comment il fabriquait ses œuvres ; à un moment donné il y a eu une pièce en particulier qui a retenu mon attention, une commande publique, une fontaine je crois, dans je ne sais plus quelle ville, sur une place très importante, il avait juste envie de recréer comme une place légèrement surélevée et puis de l’eau qui coule à des rythmes très différents, il était avec ses slides et à un moment donné il y a quatre cinq images qui passent où l’on voit la fabrication de l’œuvre et là on voit une batterie d’ordinateurs. Cette image démontre que la fontaine est à la minute près calculée, programmée par des logiciels. C’est ce que nous disions. Il y a un impact immense de cet outil sur la production artistique, on fustige l’art numérique peu importe, mais ce qu’il y a d’étonnant c’est que ce n’est pas dans l’art numérique que le numérique a l’impact le plus important, c’est dans l’art que tous ceux qui fustigent l’art numérique défendent. C’est cela qui est notable.

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